À lire les historiques sur l’ordinateur, on ne saurait guère que les femmes ont participé à son avènement : les premières computers, ou ordinatrices, étaient des femmes que l’on regroupait dans de grandes salles pour exécuter diverses opérations mathématiques. Ordinatrices tient à souligner la place, jusqu’ici occultée, des femmes dans l’histoire et l’évolution de l’informatique.

Ordinatrices n’est pas un musée virtuel regroupant des oeuvres transposées sur site internet; elle se distingue de ce type d’expositions parce qu’elle a été conçue et planifiée en fonction de son support informatique et réseautique. On retrouve à travers les oeuvres d’Ordinatrices une réflexion sur l’univers et l’activité informatique.

OU-TOPOS, le jeu de l’oeuvre de Marie-Christiane Mathieu explore l’univers des utopies. L’artiste s’y inspire de Thomas More et de sa République imaginaire. On a souvent associé l’utopie à un idéal du passé, à un idéal que l’on ne retrouvera jamais, à un passé réactionnaire. Or, Marie-Christiane Mathieu nous offre, non sans un brin d’ironie, une utopie de l’avenir, elle adapte les modèles utopiques au cyberespace. Et pour ceux et celles qui voudraient s’aventurer dans un lieu qui n’en est pas un, elle propose même de coloniser un site cyberspatial.

Avec The MUM TAPES PROJECT, Arlene Stamp nous ramène dans le passé, un passé dont sa mère fut témoin, par le biais d’une série d’enregistrements réalisés avec elle en 1995, alors qu’elle était âgée de 80 ans. L’oeuvre sur réseau intitulée Modern Mother comporte des extraits des enregistrements où sa mum décrit les événements qui ont marqué à la fois sa vie intime et l’époque moderne. L’artiste s’intéresse tout particulièrement aux antécédents de l’informatique et ses liens avec l’industrie du textile, il n’est donc pas étonnant de constater que les oeuvres présentées en salle, Somewhere over the Rainbow et Mary Smith (1915-1997) comportent des jacquards de paroles transcrites où chaque bout de phrase vient s’ajouter au fil -et aux fils- d’une vie.

La créatrice de relic/relique, Rae Davis, nous invite à une méditation sur le cerveau et ses outils, la main et l’ordinateur. Ce faisant, elle se penche également sur le temps, la métamorphose et le manque. Avec comme point de départ le reliquaire d’une main datant du XVe siècle, elle nous incite à explorer d’autres thématiques possibles : les parcours d’une vie, la condition humaine, la rédemption, etc. L’artiste nous fait remarquer que toutes ces opérations se font par l’intermédiaire du curseur, un index informatique. Elle établit également un lien intéressant entre la microplaquette et la relique : ce sont toutes deux des formes d’archives, l’une qui stocke des fragments de données et l’autre des fragments, des restes d’une vie.

Les artistes

Les participantes à cette exposition sont des artistes technologues chevronnées. Depuis vingt ans, Marie-Christiane Mathieu travaille avec l’holographie; elle a dû par le fait même se familiariser avec de nombreux systèmes informatiques et leur évolution. De même, Arlene Stamp a consacré plus d’une décennie à l’apprentissage de l’ordinateur. Son oeuvre reflète un intérêt marqué pour les mathématiques (elle détient d’ailleurs un baccalauréat dans cette discipline) et pour les systèmes langagier et musical. Rae Davis pour sa part est une pionnière dans le domaine, étant l’une des premières artistes au Canada à avoir réalisé une performance assistée par ordinateur en 1968. Elle a oeuvré dans le monde du théâtre pendant de nombreuses années. Dans ses performances et installations multidisciplinaires, elle fait appel à une panoplie de technologies de pointe