From September 07 2002 to October 05 2002
Suppléance
SYLVIE COTTON, Montréal
Exposition du 7 septembre au 5 octobre 2002
Vernissage samedi 7 septembre à 15h
Grande salle
SUPPLÉANCE espace occupé <occupied-occupado> par du réel en marche, par des présences actives ou passives, prévues ou imprévues, selon au moins l’horaire suivant <actions’ schedule> 7samedi 14@15 j’entame un ouvrage que je poursuivrai à temps perdu pendant tout le mois et qui consiste à effacer les mots du dictionnaire, sauf quelques-uns. lesquels? 16@17 version remaniée d’une performance créée par l’artiste autrichienne Valie Export en 1968. 10mardi 16@16:30 rencontre avec Michel Demers, gardien de sécurité de l’édifice en poste les soirs de semaine jusqu’à minuit. je lui ferai voir les galeries du 460 qu’il n’a jamais eu l’occasion de visiter. 11mercredi 12@15 action sur l’étage en duo avec Karen Spencer (depuis le printemps dernier, Karen et moi avons débuté une série d’actions que nous créons spontanément publiquement une fois par mois (parc, voie ferrée, métro) et qu’elle documente ensuite par le médium texte. 19@22 Playgroup rencontre les hommes de BMI (soirée privée) 12jeudi 12@14 j’ai invité Louise Gilbert, ma mère, à me faire le récit de sa vie. 15@17 je remplace l’équipe de La Centrale au bureau (je prends les appels, fait du classement et des photocopies) pendant qu’elles prennent le thé dans la galerie, le centre du centre. 13vendredi 15@17 rendez-vous avec Massimo Guerrera (je participe, comme plusieurs autres personnes de Montréal, au projet porus de Massimo qui consiste en des rencontres en tête-à-tête autour d’un repas, chez les participants; cette fois la rencontre se tiendra à la galerie, en public, au lieu de se tenir chez moi). 14samedi 12@17 je célèbre mon anniversaire en organisant un bed-in collectif auquel vous êtes toutes et tous invités (matériel fourni: draps + musique + vin + fruits + fromages). Sylvette Babin et moi étant nées toutes les deux un 16 septembre, nous ferons cette après-midi-là une performance sur le thème des siamoises. 16lundi 19@22 rencontre du playgroup (le playgroup est un collectif aurogéré composé de performeuses montréalaises, anglophones et francophones, et qui travaillent et s’amusent chaque lundi soir). 17mardi 18@21 rencontre mensuelle du groupe les performance chics (groupe de recherche féministe en performance) 26jeudi 9:30@11:30 art, culture et société, cours donné par Louis Jacob, employé chez Artexte et chargé de cours à l’UQÀM au département d’animation et de recherche culturelle. le cours sera offert dans la galerie aux quelque 60 étudiants inscrits. 13@16 réunion hebdomadaire de STELLA, un organisme montréalais qui travaille au soutien et à la défense des droits des travailleuses du sexe et à la prévention du vih. pendant qu’elles discutent, je marche 7 km dans la galerie, pour leur bénéfice, dans le cadre de l’événement MARCHER POUR LA VIE de la fondation Farha pour la lutte contre le SIDA. vos dons seront aussi recueillis pendant tout le mois à la centrale. 27vendredi 13@14 conférence sur la culture des roses par Claire Laberge, horticultrice responsable de la roseraie du Jardin botanique de Montréal. 14@17 tentative commentée d’arrêt total de mouvement avec Victoria Stanton (projet amorcé en juillet 2002). 28samedi 12@17 Nathalie Claude et moi passons à l’action à partir d’un scénario spontanément élaboré le matin, le tout dans l’esprit du «spectacle» qu’on a donné dans ma cour en juillet 2000. 2mercredi 12@17 démonstration et vente de jouets érotiques par l’organisme JOY TOYZ (présentation bilingue, gratuite, ouverte aux femmes et aux hommes). 18@21 espace sexué: perspectives géographiques (espaces sexués des villes), cours donné par Carole Tardif, chargée de cours à l’UQAM, département de géographie. le cour sera offert aux étudiantes inscrites et au public dans la galerie. 4vendredi 18h assemblée générale annuelle de la centrale (rencontre privée) n.b. j’attends la confirmation d’autres invitées: une psychanalyste et une homéopathe je remercie les personnes qui ont accepté de participer au projet (et d’avance toutes celles que je connais déjà ou pas encore et qui s’y joindront en cours de route), les employées de la centrale (ex et actuelles), les artistes du playgroup, et Karen Spencer, Sylvette Babin, Michèle Burque, Louise Gilbert et Roger Cotton, le CALQ et le CAC.
Sylvie Cotton a réalisé de nombreux projets dans lesquels elle infiltrait le quotidien des gens (parcs, bars, toilettes d’immeubles, commerces…), allant à leur rencontre et investissant leur monde par le biais d’interventions parfois pertubatrices. Ici, dans la grande salle de La Centrale, le projet mis en place inverse le processus : prenant pleinement possession du lieu, son action vise moins à le remodeler qu’à le transformer en profondeur - dans sa chair, presque -, c’est-à-dire de faire en sorte que ce lieu de projection d’images utopiques qu’est une galerie devienne aussi un espace investi par du réel. Cette coquille vide et en continuelle attente d’un plein, Sylvie Cotton veut plus que lui apporter un contenu et « suppléer » à une certaine absence, elle cherche à en faire un plein vivant pour lequel la distinction contenu/contenant s’avérera inopérante.
Son intervention sur la configuration architectonique de la salle consiste à la subdiviser en plusieurs sous-espaces, chacun dévolu à certaines « interventions », à certaines fonctions. Au fil de ces interventions, l’espace initialement inerte et neutre deviendra progressivement un centre de performance en continu – un espace où atterrir sans attentes précises, nous dit Sylvie Cotton, un espace
d’« agglutination » en constant mouvement dynamique.
Son projet d’art action dans la galerie ainsi transformée vise à entremêler l’art et la vie quotidienne, en aménageant la rencontre de l’espace de l’Art et des mondes personnels. Ces mondes seront aussi bien ceux d’inconnus interpellés dans la rue ou dans l’immeuble et invités à venir assister à une performance créée spécifiquement pour eux (et à y participer éventuellement), que ceux de gens du milieu de l’art que l’artiste connaît, ou ceux de sa famille ou encore ceux d’amis et du public invités à venir fêter son anniversaire dans l’installation. En divisant la grande salle en plusieurs lieux d’action dévolus chacuns à certaines « tâches à faire » (quelques unes pré-déterminées, d’autres qui seront à définir spontanément en commun), Sylvie Cotton veut engager un processus d’échange ainsi que
de suppléance entre elle-même et les gens qui pénètrent dans la galerie : ceux-ci seront en effet invités à faire des choses tantôt avec tantôt à la place de l’« artiste ». Son projet d’« installaction » vise ainsi à aménager des rencontres et des interactions d’espaces propres qui sont ordinairement sans connexions.
Le grand intérêt de cette « exposition » de Sylvie Cotton est la sorte d’inversion des paramètres habituels de ses actions. Amenant le quotidien dans la galerie plutôt que d’engager des actions artistiques dans le quotidien, elle jongle avec le risque d’une autre manière – ce n’est plus le risque de confronter la vie quotidienne et l’art mais celui d’infiltrer l’art par du réel, de réaliser une sorte d’oxymore, de tenter ultimement de fondre ce qui se présente sous l’aspect d’une antinomie irréductible.
Christine Dubois
Biographie
Sylvie Cotton est une artiste interdisciplinaire qui vit et travaille à Montréal. Elle a fait des études en art, en muséologie et en littérature. Ses projets incluent des pratiques de nature installative et performative, qui consistent principalement en la création de situations menant à des rencontres et des échanges avec l’Autre. Son travail se développe le plus souvent de manière in situ dans des espaces privés ou publics, et les résultats sont présentés dans des galeries et des festivals. Comme auteure, elle a publié des textes dans des catalogues et des magazines et collabore régulièrement à la revue montréalaise ESSE arts + opinions. Elle a présenté son travail au Québec, aux États-Unis, dans plusieurs pays d’Europe (Finlande, Estonie et Italie) et au Japon.
